dimanche 14 août 2005

Randonnée : tour du Cervin 2005


"...Le plus bel objet dont ce site présente la vue, c'est la haute et fière cime du mont Cervin, qui s'élève à une hauteur énorme sous la forme d'un obélisque triangulaire d'un roc vif, et qui semble taillé au ciseau." Selon l'expression d'Horace Bénédict de Saussure qui en 1789 va du Breuil à Zermatt via le Col du Théodule où il bivouaquera. Il a à cet instant toutes les cimes du Valais dans les yeux mais son choix est fait.

Depuis la première ascension en 1865, des millions de personnes l'ont admiré, des milliers l'ont gravi ; les arêtes du Hornlï, du Lion, de Zmutt et de Fruggen ont été escaladées ; toutes les faces ont été gravies. "...Pourtant rien n'est changé : chaque fois que l'on arrive à Zermatt ou au Breuil et qu'on lève la tête pour voir enfin la cime dont on a rêvé des jours et des nuits, et que, déjà, on s'avance vers elle, car elle est aimantée, on est saisi jusqu'au plus profond de soi-même." (Gaston Rébuffat in Cervin cime exemplaire : Hachette)

Le mois d'août 2005 : de mauvaise qualité comme tous les mois d'août précédents. Ou bien c'est la canicule ou bien l'inondation. Nous décidions tout de même de passer nos vacances en montagne sur une randonnée assez récente : le Tour du Cervin.

A l'instar du Tour du Mont Blanc, de la Vanoise, des Combins et j'en passe, le Tour du Cervin nous fait prendre connaissance des multiples facettes de cette montagne de légende.
Sur ce genre de randonnée, contrairement à l'alpinisme, on peut laisser vagabonder ses pensées ; l'horaire est une notion très large et lorsque le temps est au beau, peu importe si l'on arrive au bivouac à la nuit. C'est cela qui fait le charme, à mon sens, de la randonnée en autonomie : le rêve sans contraintes. La marche dans sa plus belle expression.

Le Tour du Cervin, sans être techniquement difficile au sens de l'alpinisme, est un morceau de choix. Les étapes sont longues (surtout sans employer les diverses remontées mécaniques que l'on retrouve sur le parcours. A contrario on se priverait de splendides vues). Les sentiers ne sont pas toujours balisés et deux cols sont glaciaires (Théodule et Collon).

Il faut donc au minimum porter deux harnais, une corde et de quoi confectionner un mouflage, ou bien se faire accompagner par un guide pour ces passages. Ce sont tout de même des glaciers, et l'on est jamais à l'abri d'une chute dans une crevasse.

Ces réserves faites, c'est la plus splendide randonnée que l'on puisse faire dans les alpes, sur les traces des plus grands alpinistes des temps de la conquête (De Saussure, Whymper, Carrel, Croz, Tyndall, Burgener,Penhall, Mummery, les frères Schmid, Rébuffat...) Il faudrait des lignes et des lignes pour énumérer ces alpinistes (guides ou clients) des années fastes.

Ici, bien plus qu'à Chamonix règne une atmosphère de mystère. Le Cervin est peut-être partiellement défiguré par les remontées mécaniques qui l'ont pris d'assaut mais il garde cette prestance digne de ces hauts lieux qui ne seront jamais soumis à l'Homme tant le respect de la montagne est présent dans ces vallées.

Etape I 09.08.05 : Zinal (1600 m) - Grubben (1818 m) via Meidpass (2790 m)


Nous démarrons sous ce soleil radieux du mardi 09/08/05 à Zinal et dans le sens inverse, pas par snobisme mais pour ne pas nous engager dans une étape trop longue vers Evolène.

Cette étape-ci, Zinal-Grubben, se déroule dans un premier temps sur un long sentier en balcon duquel nous avons un jolie vue sur les géants du Valais.

Nous voyons ici les sommets du Zinalrotthorn, du Cervin, de l'Obergabelhorn, de la Dent Blanche et du Grand Cornier. Cette partie, quoique sans grand dénivelé (800 m de montée) est assez longue jusqu'à l'Hôtel Weisshorn (+- 8 km). C'est une jolie balade qu'il faut faire en famille.


Nous sommes au Meidpass (2790 m), nous entrons dans la partie germanophone de la Suisse. D'ici nous avons une vue peu commune sur la plus belle montagne des alpes (je suis du même avis que Rêveur 4000 H), Le Weisshorn. Flanqué de son petit acolyte le Bishorn, (le 4000 pour Dames).

Dans la descente vers Grubben via le Meidsee



Le petit village de Grubben (1818 m) ne possède pas de camping, nous décidons alors d'aller camper dans la montagne et nous apprêtons à remonter quelques peu sur l'étape du lendemain. Cependant, nous mettons nos rudiments d'allemand en émois et posons quelques questions aux passants.
Ceux-ci nous indiquent alors que la municipalité a mis à disposition des randonneurs des tipizelte, et pour une modique somme nous voilà abrités pour la nuit. Comme on peut le constater, nous sommes bien en Suisse.


Etape II 10.08.05 : Grubben (1818 m) - St Niklaus (1127 m) via Augstbordpass (2894 m)


Nous quittons presque à regret cette magnifique vallée pour le col de la journée. Il fait grand beau et la physionomie de l'étape est différente. Nous grimpons plus vite en altitude. Sur la photo on aperçoit de Meidpass derrière A.


Augstbordpass, le paysage est minéral et le vent présent, on sort les gore tex. On est bien ici, je resterais des heures mais la descente est très longue : +- 1800 m sans compter les remontées alors il faut y aller.


A la descente, on range les vestes, il fait très chaud (peut-être un orage pour le soir ?)


Après une petite remontée on peut apercevoir le Fletschorn, le Laggin et la Weissmeiss dans les brumes de chaleur


Comme la vallée est encaissée ! C'est le paradis, Le Mont Rose se dévoile tandis que Zermatt ploie sous la chaleur. Je n'ai pas fait de photos (oubli ...) de la chaîne des Mischabel, pourtant ça vaut le coup d'oeil. J'y penserai lorsque nous monterons au Dom (pour Rêveur 4000 H).


Je dois bien avouer que je ploie aussi sous cette température, cette descente qui n'en finit pas. Il y a pourtant un téléphérique mais par principe ...
Cet après midi est une fournaise, il faut dire qu'on n'est plus très haut : 1127 m.
Pour une question d'horaire, nous évinçons les deux étapes en balcon, nous devions en supprimer, notre choix s'est porté sur celles là. Nous prenons donc le petit train qui monte sur Zermatt (22 CHF/pers)

The camping : il n'y est pas facile de ne pas se marcher dessus. Alors, là on voit de tout mais surtout n'importe quoi. En règle générale, en étant pas trop méchant, c'est le pro qui exhibe tout son matos flambant neuf toute la soirée.

Etape III 11.08.05 : Zermatt (1615 m) - Gandegg Hütte (3030 m)

Après une nuit extrèmement reposante nous étions d'attaque pour passer le Theodule pass et nous démarrons de grand matin (mais pas trop tôt car il pleut un peu). J'en profite pour visiter la maison des guides.


Nous montons rapidement en profitant pleinement de la vue et en essayant d'oublier ces remontées mécaniques qui gâchent le paysage (en plus ça fait du bruit ces saloperies). Le mauvais temps est là et il ne va pas tarder à pleuvoir ou pire neiger, parce qu'il ne fait pas chaud.


Voilà, vers 2900 m il neige, la visibilité tombe très vite. On réfléchit un peu et on prend la (sage) décision de traverser le col demain.


La Gandegg hütte est en vue, je n'ai jamais autant apprécié de voir un refuge, même dans le Karwendel :-) parce que là je savais que quelqu'un m'aurait laissé sur place et m'attendrait avec une bonne bière.


On est bien dans un refuge, surtout lorsqu'il neige à gros flocons dehors. Il fait chaud et je déguste ma première bière.


En fin d'après midi, je vais faire un tour, histoire de repèrer le terrain. Le Matterhorn est à peine visible mais ça a l'air de s'améliorer. Le baromètre remonte.


La sympathique Gandegg hütte, perchée sur sa barre rocheuse. S'il n'y avait pas le téléphérique, ce serait le paradis sur terre. Je vous assure que lorsqu'on se donne la peine de monter à pied, il prend une toute autre dimension : celle qu'il mérite. Compter 68 CHF/pers. Pas de réduc Club alpin, c'est privé.

Etape IV 12.08.05 : Gandegg hütte (3030 m) - Bivouac Manentti (2818 m) via Le Breuil


Le matin, je n'en crois pas mes yeux, quelle splendeur. il n'y a pas de mot pour décrire cela. Heureusement que nous n'avons pas continué la veille, nous n'aurions rien vu.

Le Breithorn tel quon peut le voir de la terrasse du refuge. Vu d'ici, moi je dis : total respect.


Lorsqu'on fait quelques pas, les grands de ce monde se dévoilent (Obergabelhorn, Zinal rotthorn, Weisshorn).


La Nadelgrät, Dom, Täschorn, Alphubel, Allalinhorn, Rimpfichorn, Stralhorn que Rêveur 4000 H a gravi.


J'en ai le torticoli, je resterais assis sur cette crète, où personne ne passe d'ailleurs. Ici, le massif du Mont Rose avec la Nordend, La Dufour, Gnifetti, Castor.


Le Matterhorn, Cervin, Monte Cervino, avec l'arête du Hörnli à droite (voie normale suisse), la cresta del Leone à gauche (voie normale italienne) et entre les deux l'arête de Fruggen, dont la première sera réalisée par Mummery flanqué du fameux guide Burgener en 1879, mais l'arête ne sera gravie que partiellement. Il faudra attendre 61 ans pour qu'elle le soit totalement.


Au départ de l'arête qui nous déposera délicatement sur l'obertheodulegletscher. Quelle vue splendide.


Grand classique de la photographie :-)


Notre ami le Breithorn.


Le Theodulegletscher avec la Dufour en toile de fond. Au centre la benne du Klein matterhorn = de 3800 m : point de départ de l'ascension des Breithorn. De nouveau, est ce qu'on prend la réelle mesure des montagnes lorsqu'on utilise ces moyens pour accrocher un 4000 à son palmarès ? Néanmoins, j'ai déjà cédé à la tentation.


Nous sommes en vue du Theodulpass (sur la gauche), en face avec les antennes c'est la Testa Grigia. Nous passons par ici pour éviter les pistes de ski (Hé oui, nous sommes bien sur un domaine skiable, là où il n'y a pas d'argent à prendre il n'y a pas de plaisir).


Il y a quelques crevasses, et de toute façon on s'encorde. Il est complètement idiot de ne pas le faire sur un glacier. C'est comme de mettre sa ceinture en voiture : ca sert pas souvent, mais quand ça sert ...


Pour accéder au col nous remontons les quelques pistes de ski qui en descendent.


Sur le col : 3300 m. Comme endroit ce n'est pas fameux, mais la vue vaut vraiment la peine.


Vue côté italien où l'on distingue nettement le massif du Grand Paradis et de la Grivola (tous deux enneigés)


Vers le bas, nous descendons à Breuil cervinia.


Un aperçu des pistes de Breuil


Le Monte Cervino, tel qu'il apparaît de plan maison vers 2500 m. On voit très bien la voie normale italienne. Elle rejoint l'arête du lion au niveau du col homonyme. Ce jour-là, elle est en conditions hivernales tant il y a de la neige. On s'aperçoit d'ici que l'arête du lion est coupée par une grande marche, c'est le pic Tyndall (du nom de ce physicien amoureux de la montagne qui fit entre autres la première ascension du Weisshorn).

Le village du Breuil, je le trouve bucolique et très sympathique. Nous nous sommes arrêtés quelques heures malgré nous dans le village car il était 13h00 lorsque nous sommes arrivés et les commerces n'ouvrent qu'à 15h00. Nous nous sommes attablés dans un bar de la rue principale.

Après nous être ravitaillés nous repartons vers le bivouac Manentti. A la base nous devions camper après le premier col rencontré, sur les pelouses de la valpelinne. Cependant, je pensais secrètement atteindre le bivouac Manentti. J'en avais entendu parler et voulais y dormir. L'étape s'allongeait mais avec l'acclimatation et l'entraînement physique tout était possible.

Enfin, le bivouac. Il est 20h00, je suis content d'arriver. Il n'y a personne dedans (parce qu'il n'y a que deux couchettes et une par terre). Nous rencontrons seulement un couple en train de redescendre dans la vallée, ils n'arriveront pas trop tôt au souper ces deux-là.

La vue que nous avons du bivouac. On est vraiment seuls ici, cette étape est sans aucun doute la plus sauvage du périple.

Etape V 13.08.05 : Bivouac Manenti (2818 m) - Refuge Collon (2808 m) via le col de Valcournera (3030 m)


Le réveil, après une nuit venteuse mais reposante. Une nuit tout confort, 4****.


Le col de Valcournera avec son refuge 100 m plus bas. Nous sommes tout près. Le paysage est sauvage, c'est extraordinaire de trouver cela à quelques heures de marche seulement du Breuil si animé.




La pente qui mène au col est très raide et les pierres roulent sous nos grosses chaussures, de plus il y a de la glace sous les graviers. Il faut bien chercher son chemin.

Au col la vue est splendide sur les montagnes environnantes mais je n'en connais même pas le nom. Tout est mystérieux ici, la neige n'y tombe pas comme ailleurs, le vent vous raconte son périple dans ces dédales de rochers. Ici, je ressens la montagne.

La descente, aussi raide que la montée mais facilitée par des plaques de neige durcie.

La valpeline vers le refuge Aosta et la Dent d'Hérence (non visible). Ici je pense que c'est la Tête blanche de Valpeline que l'on voit mais je n'en suis pas certain.


Les magnifiques alpages après avoir atteint le point bas de l'étape, le Lac di place Moulin vers 2000 m. Nous montons facilement la Comba d'Oren vers le refuge Collon. Le site est impressionnant.


Joli petit torrent devenant une cascade. Le chemin est équipé de barres de fer, il est assez vertigineux. Ce n'est pas facile avec un gros sac. Peu après nous arrivons au refuge Nacamuli (en italien). Il est moderne, tout confort. Le gardien est extrèmement sympathique. Compter 35 EURO de demi pension/pers avec Club alpin.

Etape VI 14.08.05 : Refuge Collon (2808 m) - Evolène (1380 m) via col collon (3100 m)

Nous nous levons vers 7h00 (comme tous les autres jours d'ailleurs), nous avalons un bon déjeuner et démarrons. Les 300 m qui nous séparent du col sont vite avalés.

On distingue le refuge au centre de l'image vu du col. On peut très bien s'imaginer qu'il y a à peine 50 ans il y avait un glacier ici.


Le col


A avec le mont Brulé en arrière plan.


Nous entamons la descente du haut glacier d'Arolla. Pour âtre plus léger je n'ai pas pris de crampons, ça glisse un peu. Normalement on fait le Tour du Cervin dans l'autre sens, la pente en montée pose moins de problèmes qu'en descente sans crampons.


Une belle vue sur le glacier avec la crête des bouquetins sur la droite.


Une belle vue sur la Dent d'Hérence. C'est franchement magnifique.


Après avoir sauté une bédière et l'une ou l'autre crevasse, nous nous retrouvons sur le morraine latérale.


Dans le bas du glacier, les blocs chariés noircissent la glace et rendent ce monde plus minéral encore.


Il y a quelques années, le glacier montait probablement sur ces pentes.


La morraine frontale du glacier et le temps en train de changer. Nous allons descendre sur arolla puis sur Evolène. Par manque de chance nous ratons le bus postal qui relie ces deux villages. Nous en sommes quittes pour quelques pas de plus. Il commence à pleuvoir.

Nous nous mettons en quête d'un camping à Evolène et, sous une pluie battante, nous montons la tente. Notre périple s'arrêtera ici. Nous devions encore faire une étape le lendemain mais après quelques centaines de mètres de montée nous constatons que la neige fraîche tient vers 2600 m, or le col est à 3000 m, il doit y en avoir une couche. Nous sommes fatigués, nous arrêtons ici.
Un petit goût de trop peu mais nous le referons.

2 commentaires:

robertdequeiroz@orange.fr a dit…

superbes images on est dedans et regrette de ne pas y étre .Je decouvre cela ce jour du 20/06/14,qui organise ces randos?
Tour du Cervin ? MAGNIFIQUE Reportage photos et bien ecrit
Robert de Queiroz saint yrieix sur charente France

Unknown a dit…

Nous l'avons fait (en partie) en sens inverse cet été. C'est amusant de lire un récit fait dans un sens différent. Mais cela fait plaisir de se replonger dans ces moments.