vendredi 4 juillet 2008

Bernina, point d'orgue visuel des alpes orientales

 

(extrait carte Swisstopo)

Cela faisait longtemps que la chaîne de la Bernina, située dans la partie la plus orientale de la Suisse, sur la frontière avec la Confédération et l'Italie, attirait sérieusement mon attention d'alpiniste. Il s'agit ici des plus hautes montagnes des Alpes orientales, mais de leur caractère, il n'y a pas de doute possible, ils font partie des glorieuses Alpes occidentales.

Ce sont des montagnes qui font rêver tout montagnard: les lignes gracieuses des piliers du Piz Palü, l'arête la plus parfaite des Alpes, la Biancograt, le cône spectaculaire du Piz Roseg, etc. Je pensais que la "Grosse Berninadurchquerung" de l'école d'alpinisme de Berg & Tal serait de loin le meilleur forfait pour faire connaissance avec les plus beaux coins du massif (sans pour autant s'attaquer au très gros morceaux comme l'arête Bianco de la Piz Bernina ou l'Eselsgrat du Piz Roseg, ce sera pour une autre fois !). En tout cas, j'espèrais avoir plus de chance qu'en 2006, quand le même forfait fut annulé pour manque de participants !

Mais heureusement, pas d'annulation annoncée, et c'est avec plaisir que je monte dans le train pour le voyage devenu désormais très familier vers les Alpes...

Après un voyage extrèmement long et fastidieux (malgré les superbes paysages !), arrivée à Pontresina dans l'Engadin. Rien n'a changé par rapport à il y a deux ans, je dépose mes affaires dans un petit studio dans l'ancienne partie du village, et vais ensuite manger une bonne pizza à la même pizzeria visitée lors du passage précédant en 2006 ! Puis c'est dodo, il faut être en forme pour demain, car le temps est beau, et je veux en profiter pour faire une belle randonnée d'acclimatation.

Samedi 28.06.2008 : Pontresina, 1805m - Piz Languard, 3268m - Bernina Suot, 2046m (rando)



(extrait carte Swisstopo)



Le lendemain, je me lève très tôt, je suis très excité d'être dans les montagnes, il fait beau, il faut que je parte ! Objectif: le Piz Languard, but classique au-dessus de Piz Languard. Facile, certes (un T3), mais réputé pour son panorama. Je traverse le village encore bien endormi et commence ensuite à monter un beau petit chemin. Assez rapidement, j'atteins la limite des arbres (Pontresina se trouvant à une altitude de 1800m) et aperçoit le Val Bernina encore dans l'ombre. Au loin, la chaîne de la Bernina se montre déjà splendide dans le soleil matinal.

Plus loin, au-dessus de l'Alp Languard (vers 2300m), la chaîne de la Bernina se présente comme un livre ouvert. Magnifique spectacle, vue libre sur les piliers du Palü, la gracieuse Bellavista, l'arête effilée du Bianco...

Je resterai volontiers des heures ici. A retenir cet endroit pour une balade en famille, quel air de pick-nick !

N'ayant rien mangé ce matin-là, j'espérais prendre mon petit déjeuner à la Chamanna Paradis (2540m), mais hélas, en dehors de son nom et le panorama elle n'a rien de paradisiaque à m'offrir car elle est férmée ! (huit heures est trop tôt pour les premiers touristes à arriver, la vie d'un alpiniste - qui d'office se lève tôt le matin ;-) - est dûre parfois).


Mais les cris de l'estomac sont vite oubliés face à une nature aussi glorieuse.

A l'autre côté de la vallée de l'Engadin, le Piz Ot (3246m, T4) se présente comme un joli but d'excursion.

C'est reparti: une petite descente dans le Val Languard, et j'entame la montée vers la Chamanna Georgy.

Vue sur Saint-Moritz, son lac et le majestueux Piz Julier (3380m) au fond.

Le Piz Languard est situé dans une région où il y a pas mal de bouquetins. Et voilà: j'en aperçois un sur la crête devant moi !

La montée s'achève plus vite que prévue, mais je suis quand même content d'arriver à ce petit refuge juste en-dessous du sommet du Piz Languard.

Je commande vite un petit déjeuner auprès du gardien sympa et me prend une place confortable sur la terrasse du refuge. J'ai amplement le temps de contemple l'énorme panorama qui se présente devant moi. Avec le zoom de l'appareil photo, la Biancograt paraît tangible.

Voilà une vue sur le sommet du Piz Languard. C'est trop tentant, je dois monter là-dessus.

Le chemin qui mène au sommet est très facile, malgré les quelques câbles facilitant la voie. Vue sur le Piz Albris, 3165m, et derrière, le Piz Palü.

J'arrive en haut du Piz Languard, 3262m. Incroyable la vue ! Mon regard se porte dans tous les sens, il y a tant de choses à voir ! Le grand sommet massif au milieu est le Piz Kesch, 3418m.

Là, il n'y a pas grand chose à ajouter ! De gauche à droite: Piz Cambrena, Piz Palü, Bellavista, Crast Agüzza, Piz Bernina, Piz Morteratsch, Piz Tschierva.

Le massif du Silvretta, partagé par la Suisse et l'Autriche. Les trois sommets marquants sont le Piz Linard, 3410m, le Piz Buin, 3312m, et le Fluchthorn, 3398m.

Ça peut aller vite: hier matin à quasi 0 mètres en Belgique, aujourd'hui au-delà de 3000m en Suisse. Il y a de quoi à se sentir bien.

Je regarde tous ces sommets que je suis sensé escalader dans quelques jours et me demande si la météo va tenir, comment seront les conditions, vais-je tenir le coup, etc.

Que faire maintenant ? La traversée vers le Piz Muragl ne me paraît pas rigolo du tout (très escarpée et beaucoup de pierraille) et je n'ai pas envie de faire la Crasta Languard entière. Je décide de redéscendre vers le refuge et d'entamer la balade en altitude vers la Fuorcla Pischa et le Piz Albris, peut-être que celui-ci se laisse escalader. En route, de belles anemones de montagne.

Le chemin est spectaculaire, il fait encore tôt dans la saison et il y a encore beaucoup de neige. Un paysage lunaire m'attend à la Fuorcla Pischa, 2837m. Un regard vers le Piz Albris suffira pour abandonner toute idée d'ascension: àa a l'air vachement raide par où on est sensé monter et en plus, je me sens quand même fatigué après la montée de +/- 1500m au Piz Languard. C'est pas grave, les belles vues compensent amplement.

La descente n'est guère rassurante vu le mauvais état du chemin, parfois complètement caché sous les masses de neige encore présentes, et en plus, c'est interminable ! Enfin, le Val da Fain se présente comme une oase verte.

Plus qu'une demi-heure de marche, et je me retrouve dans le Val Bernina. A la gare la plus proche (Bernina-Suot), je prends le fameux "Bernina Express" et rentre en un rien à Pontresina. Je sens la fatigue, la montée de la gare vers le village me paraît très longue... demain, j'avais prévu d'escalader le Piz Ot ou bien le Piz Julier, mais la longue montée prévue de 5 heures ne me motive guère. Tiens, j'avais lu qu'on avait construit une nouvelle via ferrata dans la coin. Et si je la faisais, ce serait une belle entrée dans la matière car je n'ai jamais fait de vrai via ferrata jusqu'à maintenant. OK, c'est décidé, je loue un "Klettersteigset" et un casque au magasin Salewa dans le village et vais profiter d'un bos repos ensuite.

Dimanche 29.06.2008 : Diavolezza, 2978m - Piz Trovat, 3146m - Sass Queder, 3066m - Munt Pers, 3207m - Diavolezza (rando, Piz Trovat via Ferrata B)


(extrait carte Swisstopo)

Le lendemain, je prends un des premiers trains en direction du Col Bernina. Premier stop à la gare de Morteratsch, 1896m. Une vue trois étoiles (© Guide Vert Michelin) sur la Bernina et le Val Morteratsch m'attend.

Ensuite, ça continue jusqu'à la gare de Bernina Diavolezza. Téléphérique et train sont bien connectés, je peux toute de suite monter avec une des premières bennes. Le Lago Bianco brille déjà. Au fond, les Alpes italiennes.

Une fois arrivé à la Diavolezza, 2973m, le massif entier de la Bernina se dévoile: deuxième panorama 3 étoiles de la journée !

Je reste bouche bé devant le Le Piz Palü et ses fameux 3 piliers: à gauche le pilier est (D, 1ère ascension: 1899), au milieu le pilier central dit "Bumiller" (D+, 1ère ascension: 1887), et à droite le pilier ouest (D, 1ère ascension: 1899).

Les quatre sommets de la gracieuse Bellavista: 3799m, 3888m, 3890m et 3922m.

Le plus haut sommet de la chaîne, la Piz Bernina, 4049m, et son voisin le Piz Morteratsch, 3751m. En bas à droite, point de confluence des glaciers du Pers et du Morterarsch.

Ah, voilà le premier objectif de la journée, le Piz Trovat, 3146m, que j'espère atteindre via une via ferrata côtée B (=peu difficile). Une belle entrée dans la matière !

Cependant, faire une via ferrata, c'est une chose, en trouver, le début, c'est autre chose. Je contourne la montagne entière par la droite, et c'est finalement en atteignant la Fuorcla Trovat que je me rends compte que je ne suis pas allé dans la bonne direction. Je dois rebrousser chemin.
Néanmoins, les vues sur le Piz Cambrena avec sa fameuse "Eisnase" (AD, 50°) sont fascinantes.

Quand je suis presque entièrement revenu sur mes pas, j'aperçois quelques personnes qui se dirigent vers le pied de la paroi. Ah, zut, j'avais complètement loupé le petit chemin. En 5 minutes, j'atteins le début de la via ferrata. Là, il est temps de mettre son baudrier, son casque et la longe. Tout cela est bien nouveau pour moi, je suis curieux comment ça va se passer.

Je me rends vite compte que la via ferrata du Piz Trovat n'est guère difficile. Une belle succession de câbles, d'échelles, de petites parois, etc., me permet de vite prendre de l'altitude.

Partie rigolote de l'ascension, la traversée de se pont en suspension n'est pas pour les chochotes.

Les vues sur le paysage glaciaire environnant font la particularité de cette via ferrata.

Trop vite, j'atteins la fin des difficultés et le sommet du Piz Trovat. Mmm, c'était chouette ça, en plus, on peut parcourir ce genre de voies tout seul et en toute securité, cela donne envie à aller explorer les fameux (et plus difficiles) exemplaires dans les Dolomites !

Après une courte pause au sommet du Piz Trovat, je dévale ses pentes enneigées/caillouteuses, et entame la courte ascension du Sass Queder. Pff, pénible tas de cailloux ! Cela vaut vraiment pas la peine, le sommet est un lieu non-descript avec un petit banc. Enfin, encore une montagne pour la collection...

Malgré cela, j'ai une vue intéressante sur le glacier Pers, qui nous montre sa peau "éléphant".

Je devenais un peu fatigué à ce moment-là, mais je tenais absolument à monter jusqu'au point le plus elevé du Munt Pers, dont le panorama absolument magnifique a fait sa réputation.

Et bèn, je ne fus pas déçu, toujours les mêmes sommets, mais se présentant sous d'autres angles de vues. Super !


Fatigué, mais heureux, je rentre à Pontresina. Le soir, je fête avec les Espagnols qui battent l'Allemagne dans la finale de la Coupe d'Europe (1-0).

Lundi, 30.06.2008 : Pontresina, 1805m - Chamanna Tschierva, 2583m (rando)



(extrait carte Swisstopo)

Le lendemain, à midi, il est temps de faire connaissance avec les autres participants du séjour: Andi et Sammy, les deux guides, Anna, Leo, Roger Hans-Jörg (suisses) et Severin (allemand). Dès le départ, je sens que c'est un chouette groupe. Premier objectif: le refuge Tschierva par le Val Roseg.

Après deux heures en très bonne allure, nous atteignons une bifurcation: à droite, on atteint l'hôtel Roseg, tout droit, on continue vers la Chamanna Tschierva. Les glaciers et sommets au fond de la vallée sont splendides (de gauche à droite: La Sella, 3584m, Piz Glüschaint, 3594m, la Muongia, 3415m, Il Chapütschin, 3386m).
Le sentier, magnifique, traverse d'abord une petite plaine...

... pour ensuite monter le flanc de la moraine du glacier Tschierva. Un des plus beaux sommets des alpes orientales, le Piz Roseg, 3937m, se dévoile.

Et puis, c'est au tour de la Piz Bernina et du Piz Scerscen. Le refuge n'est plus si loin.

Après 4h de montée, nous atteignons la Chamanna Tschierva, 2584m, intéressant mélange de styles architecturales.

Nous nous installons vite et avons suffisamment de temps pour contempler le paysage: la fameuse arête Bianco de la Piz Bernina se dessine clairement contre le fond bleu du ciel de début de soirée.

Les derniers nuages se dissipent, et nous avons une vue magnifique sur le Piz Roseg, dont la voie la plus connue, l'arête des ânes (Eselsgrat, AD, III, 40°), fait rêver.

Le plus haut sommet de la chaîne, la Piz Bernina, et le Piz Scerscen, 3971m.


Il y a beaucoup de monde dans le refuge: certains, comme nous, veulent monter au Piz Morteratsch, d'autres veulent escalader le Piz Tschierva. Néanmoins, la majorité a comme objectif la plus belle arête des Alpes, le Biancograt qui mène à la Piz Bernina. Après le dîner, grand rassemblement devant la partie moderne du refuge (la salle à manger) pour contempler le coucher de soleil.


Mardi, 01.07.2008 : Chamanna Tschierva, 2583m - Piz Morteratsch, 3751m - Fuorcla Boval, 3347m - Chamanna Boval, 2495m - Morteratsch, 1896m - Diavolezza, 2978m (PD, II, 40°)


(extrait carte Swisstopo)

Le départ est matinal mais certainement pas trop tôt: nous quittons le refuge vers 5h30.

Nous atteignons après une bonne heure de marche le Vadret da Tschierva), nous nous encordons (je suis dans une cordée avec Sammy, l'aspirant-guide, Hans-Jörg et Severin), et nous commençons à remonter le glacier peu raide et crevassé.

Nous passons le col de Boval et nous apprêtons à affronter le passage-clé de l'ascension: une pente raide (40°) et verglacée que nous suivrons au lieu de contourner l'obstacle par la gauche comme font de nombreuses cordées.

Le passage n'est pas facile et n'inspire guère de confiance, mais nous gagnons quand même vite de l'altitude. L'arête de l'antécime, 3611m, jusqu'au sommet principal, présente un moment fort de l'ascension et pleines d'opportunités pour prendre des photos spectaculaires.

En face, le Piz Roseg est un amas spectaculaire d'arêtes, de parois raides, de glace vertical, etc.


On arrive après 3h45 au sommet du Piz Morteratsch, 3751m. J'ai eu un petit faible juste avant le sommet mais finalement, je peux dire que condition et technique ont été à la hauteur de ce premier objectif.





Le Piz Morteratsch constitue un excellent belvédère sur la partie centrale de la chaîne de la Bernina. A relever particulièrement est la vue sur l'arête Bianco.

Après une demi-heure de repos, il est temps de rebrousser chemin. La descente vers le col Boval n'est pas facile: une fine couche de neige couvre de la glace dûre et il faut bien se concentrer pour ne pas déraper.

Heureusement, les deux guides mènent la partie de main ferme et nous arrivons sains et sauf au col Boval.

Petit repos au col Boval. Encore une fois, le panorama est excellent. Vers le sud, l'ascension du Piz Morteratsch, dans lequel vient de se lancer une cordée.

Vers l'est, notre regard dévale des centaines de mètres jusqu'au refuge Boval, tout en bas. Quoi, nous devons descendre par-là ?

Et oui, nous n'avons pas le choix. Cependant, cette descente s'avère très intéressante: escalade qui n'est nulle part difficile, mais dans laquelle il faut rester concentré, petits névés raides par-ci et par-là, gros éboulis, etc.

Après deux heures de descente, un oase parmis tous ces rochers et cette glace nous attend: la terrasse du refuge Boval, 2495m. Nous sommes assoiffés et les bières sont vite commandées !

Du refuge, la vue sur le confluent des glaciers Pers (à gauche) et Morteratsch (à droite) est excellente.

Un violent orage nous chasse un en 1-2-3 à l'intérieur. Après une heure d'attente, ça c'est calmé et nous entamons la decente vers la gare de Morteratsch à 1896m. Derrière, on aperçoit le Piz Languard et le Piz Albris.

Petite montée en train jusqu'à la gare de Diavolezza et puis on reprend la benne jusq'à la Diavolezza. Je m'en fous d'y avoir été déjà, les trois piliers du Piz Palü sont plus magnifiques que jamais dans le soleil du soir ! Même l'absence de chaleur et de charme du refuge (bèn, plutôt hôtel) Diavolezza narriveront pas à me rendre de mauvaise humeur. Nous ne sommes pas beaucoup dans le refuge: nous 8 et deux cordées de deux (dont une qui fera l'ascension du pilier est du Piz Palü).


Moi-même en toute fierté devant une légende alpine (voir aussi la photo devant le Piz Badile prise il y a deux ans :-).

Mercredi, 02.07.2008 : Diavolezza, 2978m - Piz Palü, 3905m (traversée, PD+, II, 40°) - Rifugio Marco e Rosa, 3609m


(extrait carte Swisstopo)

Petit déjeuner pris quand il fait encore noir, puis nous quittons le refuge en direction du col Trobat et du glacier Pers. On est rodé maintenant, le rituel de l'encordement, de la mise des crampons, se déroule sans faille.

Le glacier se raidit petit à petit. La trace se faufile intelligemment entre de nombreuses crevasses et séracs. J'avais un peu peur de cette montée, vu les efforts de la veille, mais ma condition et mon acclimatation sont bonnes: je n'éprouve pas de difficulté ou de faiblesse particulière malgré les trois ressauts raides à franchir.

Après avoir atteint un petit col à 3726m, nous prenons une arête de neige raide (40°). Celle-ci nous mène droit au sommet oriental du Piz Palü, 3882m, dont on atteint le point le plus elevé après 4h de marche. Déjà, nos regards sont attirés par l'arête qui mène au sommet central. Pas de pause, nous continuons ! Au fond, le Piz Zupo, un presque-4000m (3996m).

L'arête entre le sommet oriental et le sommet central du Piz Palü est très effilée et il ne faut pas avoir le vertige. Mais là non plus, pas de problèmes, et en compagnie d'autres alpinistes, nous foulons le point le plus haut de la montagne à 3905m.

Le sommet est large et nous ferons une longue pause.

L'enorme massif qui remplit l'horizon au sud n'est rien d'autre que la Monte Disgrazia, dont j'ai fait l'ascension en juillet 2006.

Nous nous remettons en route avec l'intention de complèter la traversée du Piz Palü.

La traversée n'est pas très difficile (quelques passages en II et des névés raides)...

... mais il faut rester concentré tout le temps et ne pas trop regarder à droite dans la face nord.

Beaucoup trop vite, nous atteignons la fin de cette magnifique traversée. C'était merveilleux, elle a tenu toutes ses promesses (certains disent que c'est la plus jolie traversée des Alpes dans cette difficulté). Mais nous devons continuer, le temps se gâte et les guides commencent à presser et à monter la cadence. Nous traversons le plateau de la Bellavista dans une neige assez profonde. La Crast' Agüzza ressemble un peu au Cervin...

Au fond à gauche, on peut apercevoir l'objectif de la journée, le refuge Marco e Rosa, en territoire italien. Ensuite, de gauche à droite, on voit les faces sud du Piz Roseg et du Piz Scerscen, et l'arête Spalla qui mène au plus haut sommet du massif, la Piz Bernina.

Pour certains, le rythme soutenu et les conditions de neige difficiles, sont très fatiguants. Mais après quelques contre-montées pénibles et quelques détours autour des crevasses, nous arrivons au refuge Marco e Rosa, 3597m. Le gardien du refuge et son aide sont des cas spéciaux (mais très sympas).

Jeudi, 03.07.2008 : Rifugio Marco e Rosa, 3597m - Piz Bernina, 4049m - Rifugio Marco e Rosa (PD, II, 45°)


(extrait carte Swisstopo)

Nous partons de très bonne heure le lendemain matin. Notre objectif n'est autre que le plus haut sommet de la chaîne de la Bernina èt des Alpes orientales: la Piz Bernina, 4049m. La météo est encore relativement bonne mais on sent que ça se gâte: le vent se met à souffler, il fait froid, etc. Nous devons d'abord monter une pente de neige qui se raidit de plus en plus. On atteindra l'arête par un petit couloir de glace où il fait bon cramponner avec les points avant (45°).

La Crast'Agüzza, 3854m, et le Piz Argient, 3945m, au fond à gauche.


L'arête est très impressionnante ! On est bien assuré par nos guides, donc les nombreux passages de II (avec crampons) sont agréables à parcourir.

Plus haut, on s'approche de l'antécime, la Spedla, 4020m. Là, les conditions deviennent vraiment très difficiles: il neige, le vent souffle fortement, on doit faire attention de ne pas se faire bousculer dans le vide. Effet étrange: la corde entre nous s'élève et fait semblant de vouloir s'envoler.

Mais nos guides persistent et après deux heures et demi d'escalade, on atteint le plus haut point des Grisons.

Même s'ils ne constituent pas mon but premier, atteindre le sommet d'un "4000" reste quelque chose de spéciale qui doit se fêter dignement.

Le visage de notre guide, Sammy, en dit suffisamment: ceci n'est pas un endroit où il faut rester trop longtemps !

Le retour se fait dans les mêmes conditions atroces. Pas de panique cependant, le rocher est excellent et les participants ne se plaignent pas.

Voici le petit couloir de glace de 45°.

Nous sommes de retour vers 10h du matin. On passera le restant de la journée à l'intérieur du refuge. Dehors, une véritable tempête de neige se déchaîne. On dort un peu, on mange, les guides organisent une petite école "noeuds", on ne s'ennuie pas trop.
Vers 18h, je me sens pas bien, je détecte les premiers signes du mal d'altitude. Vite, il faut boire beaucoup et prendre un peu de Dafalgan. C'est vrai, je n'avais pas assez bu aujourd'hui et sens maintenant les effets. Heureusement, je me rétablis vite. Je suis content d'avoir "diagnostiqué" le problème moi-même et me dit que je dois faire plus d'attention à l'avenir.

Vendredi, 04.07.2008 : Rifugio Marco e Rosa, 3609m - Bellavista, 3880m (traversée) - Arête Fortezza - Morteratsch, 1896m (PD, 40°)


(extrait carte Swisstopo)

Nous nous levons à 5h le matin de la dernière journée du circuit, mais le gardien du refuge nous conseille de retourner dans le dortoir: le temps va s'améliorer mais pour l'instant, le vent souffle encore trop fort et la visibilité est mauvaise. Et en effet, deux heures plus tard, la météo s'améliore. Après le petit déjeuner, on se prépare devant l'entrée du refuge.




L'ancien refuge devant les parois fraîchement enneigés de la Crast'Agüzza.

Voilà ce que provoquent une journée et une nuit de tempête de neige: un paysage d'hiver.

Ambiance géniale dès le départ: la neige frâiche, le soleil se cachant derrière les nuages, la neige chassée par le vent...

... je garde un souvenir très fort de ces moment magiques en montagne.

Notre dernier but de la semaine est le sommet de la Bellavista, 3922m.

Nous retraversons le plateau de la Bellavista et montons une raide pente de neige en direction de l'antécime nord-est, 3890m.

Vu de l'antécime en direction du sommet principal de la Bellavista, 3922m. Cependant, les guides décident de ne pas continuer. Dommage, mais je respecte leur décision (trop de neige ?, sommes-nous trop tard dans la journée ?).



Une cordée nous a suivi de près.

Même si on ne poursuit pas son chemin vers le point le plus haut de la montagne, je me sens fier et heureux d'être là.

Après une petite pause, nous commençons la (demi-)traversée de la montagne.

Derrière l'antécime oriental de la Bellavista, 3799m, se trouve le sommet occidential dit "Spinas" du Piz Palü. Je n'arrive pas à croire que nous avons parcouru cette arête il y a quelques jours.

Le Piz Zupo: probablement le "presque 4000m" le plus solitaire, parce qu'il est quasiment invisible vue de la vallée.

A nouveau, je vis des moments incroyables: quelle beauté !

L'arête qu'on a parcouru et menant à l'antécime nord-est.

Vues spectaculaires sur le Piz Palü.

De l'antécime oriental de la Bellavista, nous voyons clairement la voie de descente: l'arête Fortezza.

On doit se concentrer une dernière fois: une petite arête très raide descent abruptement de l'antécime de la Bellevista.

La cordée de nos amis, menée par Andi, est déjà plus loin...

... mais on ne tarde à les suivre.

Nous nous sentons petits devant les piliers gigantesques du Piz Palü.

L'arête Fortezza est raide, certes, mais guère difficile: les quelques passages en II ne nous freinent à peine.

L'arête de Fortezza (=le château, et vu d'ici, on comprend pourquoi elle est appelée ainsi) et derrière, la Bellavista.

Petite pause, les guides inspectent le terrain...

... et nous suivent de près.

Petit à petit, le terrain devient moins raide, les principales difficultés sont derrière nous.

On admire une dernière fois cette très belle arête.

Vue complète de l'arête Fortezza.

Voilà, c'est fini. On peut se désencorder, enlever les crampons, se relaxer...

La descente de l'Isla Pers est très spectaculaire. Nous allons droit vers le glacier du Morteratsch.


Au-dessus de nous, un monde sauvage de roche et de glace remplit l'horizon. Vu sur la Piz Bernina...

... la Crast'Agüzza et la Bellavista.

Nous marchons sans crampons sur le glacier (ici: le glacier Pers qui vient rejoindre le glacier du Morteratsch).

On se sent humble devant un tel spectacle naturel.

Même si le glacier a laissé beaucoup de ses plumes les dernières années, son étendu reste considérable.


Nous parcourons le glacier jusqu'au bout extrème de sa langue. Ensuite, nous gagnerons la gare de Morteratsch en une demi-heure.
Nous nous échangeons les adresses e-mail et promettons de nous envoyer les photos. Nous faisons même déjà des plans pour l'année prochaine: oui, le circuit des 4000m du Berner Oberland, ce serait génial, non ? ...
Le circuit de la Bernina m'a procuré les pus grands plaisirs ! A tous les niveaux (impressions visuelles, plaisirs alpinistes, compagnie, guides, etc.), c'était un franc succès.