Extrait de la carte Michelin
Une bonne nuit de sommeil après la course épique de la veille, et nous sommes à nouveau en pleine forme. C'est dommage que nous devons quitter le rifugio Gastaldi, havre de paix et de zenitude en-dessous de la Bessanese, mais un objectif plus haut et prestigieux nous appelle: nous allons nous mettre en route vers le Monviso !
Belle vue sur le Val di Ala et la plaine du Po. La montagne pyramidale à droite est la Torre d'Ovarda, 3075m.
Très vite, nous rejoignons notre voiture au parking de Pian della Mussa. Suit un deuxième très long trajet en voiture par le Val di Ala, la périphérie infernale de Torino et des plaines chaudes, ennuyeuses et chaotiques. La route du Col Agnel nous fait retourner dans la montagne. Cette partie des Alpes s'appelle les Alpes cottiennes et le Monviso est son plus haut sommet. Nous nous garons après cinq heures de trajet au village de Castello au bord d'un lac artificiel. Il y a un monde de fou et on est en plus milieu de semaine. Qu'est-ce qu'il va nous attendre en haut de la montagne ?
Nos craintes initiales se confirment, car nous croisons des foules et des foules de randonneurs qui, fort heureusement, descendent tous: buon giorno, salve, arrivederci !
Après une heure de montée, nous quittons le boulevard (un peu ennuyeux) du fameux Giro del Monviso et commençons à monter la vallée perpendiculaire menant aux Laghi delle Forciolline. Au bout, le sentier monte une très raide combe au milieu d'arbres poussant jusqu'à 2500m, ça doit être un record alpin !
Le chemin est pénible mais nous gagnons rapidement en altitude. Le brouillard crée une l'atmosphère mystérieuse.
Nous sommes presqu'au bout de nos peines. Un monde minéral étrange composé de sommets inconnus nous acceuille.
L'objectif de la journée est en vue: le bivacco Borelli, 2810m (3h30 et 1200m de montée depuis Castello).
Ce bouquetin nous amusa fortement avec ses acrobaties.
Le bivouac Borelli, qu'on devra partager ce soir-là avec trois Israéliens, deux Italiens, deux Français et un individu silencieux et solitaire dont on apprendra ni le nom, ni sa nationalité, ni son objectif du lendemain.
Malgré la présence de dix personnes au bivouac, nous y passerons une agréable soirée en y faisant notre propre "popote".
Mjam, des nouilles chinoises !
Nous nous levons de bonne heure (5h du mat'), et quittons le refuge une heure et quart après. On est chanceux, ça va être une belle journée. Néanmoins, nous avons intérêt à ne pas traîner, le Viso a la réputation de s'envelopper de nuages dès l'heure de midi.
Au-delà du Passo delle Sagnette, par lequel nous mènera la descente au refuge Quintino Sella, d'énormes formations nuageuses se dessinent au-dessus de la plaine du Po.
Voilà enfin notre première vue de la face sud du Monviso. Le sentier, fort évident, traverse le champ d'éboulis pour déboucher sur la morraine à droite de l'ancien glacier du Viso. Ensuite, il traverse de gauche à droite en-dessous des premiers rochers. A gauche, le Viso di Vallanta, 3781m.
Petite pause au Bivacco Andreotti, 3225m, et on poursuit notre ascension. Nous sommes en haute montagne depuis quelques jours maintenant et ça commence à se faire sentir: nous progressons rapidement et doublons des alpinistes ayant quittés le bivouac avant nous ou partis du refuge Sella.
Au-delà de l'arête, la plaine du Po et ses inévitables nuages, au-dessus desquels pointent les plus hauts sommets des Alpes Maritimes, dont la Cima Argentera, 3297m.
Un névé pas trop raide (on n'a pas besoin des crampons) nous mène au début des difficultés rocheuses.
Le terrain est raide et ne pardonne aucune erreur mais nous décidons de ne pas s'encorder, ce sera chacun pour soi. Evidemment, la situation serait différente si on aurait de la neige ou des passages verglacés, mais là tout est sec !
Nous faisons l'ascension dans la présence des deux sympathiques Français rencontrés au bivouac.
La montée n'est pas très difficile: du I et du II, un pas de III ("Il Fornelli"). Maintenant, ceci dit, si on s'est senti parfaitement à l'aise dedans, et qu'on ne s'est pas encordé, c'est parce qu'on fait cela depuis des années. Néophytes et débutants dans la matière, allez-y sans craintes mais payez vous les services d'un guide.
La présence de marquages jaunes rend l'orientation dans ce chaos assez facile.
Plus vite que prévu (il aura fallu 3h30 depuis le bivouac), nous atteignons le sommet du Monviso, 3841m, où il y a déjà toute une foule présente. La première ascension du Monviso s'effectua le 30 août 1861 par William Matthews, Frederick William Jacomb, Michel Croz et Jean-Baptiste Croz.
Dominant ses voisins de plusieurs centaines de mètres, le Viso offre bien évidemment un panorama exquis sur les Alpes de l'ouest. Ici, un gros-plan sur le versant sud inconnu du massif des Ecrins. De gauche à droite: Ailefroide, 3954m, Pic Sans Nom, 3913m, Mont Pelvoux, 3946m, Barre des Ecrins, 4102m.
Au-delà de la plaine du Po, les Alpes valisannes: le Cervin à gauche et tout le massif du Mont Rose à droite.
Le sommet du Viso est composé de deux cimes reliés par une fine arête de neige. Brièvement, j'ai peur qu'il nous faudra traverser la brèche pour atteindre le point le plus haut mais la croix se trouve bien sur le point le plus élevé.
Un beau sommet prestigieux, heureux d'y être.
On resterait des heures sur cette belle montagne...
... qui est le vrai et seul seigneur de ces lieux, il Re di Pietra (le Roi de Pierre). Vue sur la partie nord des Alpes cottiennes (Pointe de Marte, 3152m, Monte Granaro, 3166m, Monte Meidassa, 3105m).
Après une demi-heure de contemplation tranquille dans ces lieux majestueux, il est temps de descendre.
Il s'agit de rester très concentré et ne pas faire de chute (en alpinisme, il y a une règle très simple à suivre: ne JAMAIS tomber).
Des traces évidentes nous mènent au pied de la paroi...
... toujours en compagnie des deux Français avec qui on a fait l'ascension.
Je reste un peu derrière pour pouvoir photographier mes "sujets".
Ceci est le passage clé de l'ascension/la déscente (III).
Fin des difficultés à l'arrivée au Bivacco Andreotti.
Une fois arrivés au Passo delle Sagnette, 2991m, la brume typique pour le coin nous enrobe. La suite de la descente se fait par une via ferrata construite il y a deux ans car le couloir par lequel l'ascension du col se déroulait est devenu très instable. La via ferrata est relativement dûre, en tous cas plus difficile que je ne l'aurais imaginée. Mais tout se passe bien et après huit heures de course, nous arrivons au refuge Quintino Sella, 2640m, et le Lago Grande di Viso, 2590m. Le refuge est très fréquenté (ça se sent - pas trop encore - au niveau de la serviabilité) car point de départ classique pour le Monviso et lieu d'hébergement important sur le Giro del Viso.
Le refuge Quintino Sella au soir après une averse. Le Monviso nous montre ici son impressionante face est, ainsi que l'arête est (course populaire côtée AD) et l'arête nord-est.
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