15 février 2013 :
une bête idée a germé dans ma tête et nous sommes en train de l'expérimenter
Et oui, de nouveau dans les Vosges, j'adore ce terrain de jeu.
Il
y a quelques temps, l'idée de traverser les sommets des Vosges d'une
altitude supérieure à 1300 m, du nord au sud, avait fait sa place dans
mon esprit. L'idée de le faire en hiver aussi ...
Ce fut chose faite ce jour brumeux et froid de février.
Accompagné de mon frangin de cordée (rêveur 4000 H), avec qui je partage (presque) toutes mes virées en montagne et de trois autres spécimens nous commençons la traversée par la piste de ski de fond en direction du col du Calvaire.
La piste suit la route des crêtes, c'est très plaisant, mais avec les sacs à dos chargés nous sommes psychologiquement forts peinés de voir les skieurs de fond aller trois fois plus vite que nous. Qu'importe, nous profitons du lieu puisque les paysages sont dans le brouillard.
Petit topo sur la matériel, et JF commence à avoir des doutes quant à la pérennité de ses bottines de ski de fonds d'époque.
La piste prend fin, nous devons nous diriger vers le Gazon du Faing afin de passer au plus juste sur la grande crête. Dans le brouillard, l'orientation n'est pas aisée mais qu'importe puisque nous allons sur une crête.
La vue n'est pas formidable mais nous profitons vraiment de l'instant présent. Nous savons que nous sommes privilégiés de pouvoir glisser à notre rythme dans ce petit paradis blanc.
Voilà le sommet, sans aucune visibilité, dommage mais c'est cela aussi la montagne et je pour rien au monde je ne préférerais être ailleurs à ce moment.
Je sors tout de même le GPS pour faire le point sur la situation et le chemin qu'il reste à parcourir.
Les skis de randonnée nordiques sont vraiment l'arme absolue dans ce genre de terrain. Légers, ils passent partout sans le moindre effort alors que nous faisons la trace en permanence. Pour JF l'aventure du jour est terminée, il a cassé les attaches de ses bottines de ski de fond. Ce genre de matériel n'est pas fait pour les torsions inhérentes au terrain hors piste.
Nous avons récupéré des traces qui louvoient sur la crête aux environs du Tanet, elles nous facilitent bien entendu la tâche et nous en prenons encore plus de plaisir. Que du bonheur encore et encore.
Voici le sommet du Tanet, bien enneigé où nous faisons une petite pause arrosée rêveur 4000 H et moi. Nous perdrons d'ailleurs un peu de temps à chercher le chemin par la suite mais l'erreur est vite réparée et nous arrivons au refuge des trois fours après une journée bien remplie.
L'accueil y est toujours à la hauteur des espérances et l'ambiance au beau fixe. Le confort est total.
Nous rencontrons des accompagnateurs de nos connaissances, l'occasion de boire encore un coup en plus.
Petit encodage des waypoints du lendemain au cas où et avant que la gentiane ne fasse son effet.
16 février 2013 :
Le mal de tête est là, le ciel est gris et nous le sommes moins que la veille. Mais à vaincre sans péril on triomphe sans gloire, n'est ce pas ?
Plus que 40 kilomètres, gageons que l'Edelzwicker de la veille s'évaporera au rythme de nos pas.
La montagne sous la neige est vraiment belle. Vive les accompagnateurs en montagne qui la font découvrir.
La hêtraie d'altitude plie sous les masses de neige gelées. Ces arbres centenaires savent garder ce manteau qui les préservent des gelées féroces de l'hiver vosgien.
La vallée de Munster prise sous la brume synonyme d'une inversion de température. Nous n'avons pas froid du tout, les températures sont bien plus clémentes que la veille. Un rayon de soleil et nous serions au paradis.
Devant les splendeurs hivernales et sur le Haut de Falimont, nos esprits s'éveillent. Nos jambes sont encore raides de la veille mais nous gambadons joyeusement sur la grande crête.
Voici le sommet du Hohneck, je ne sais plus combien de fois j'y suis monté depuis 2008, mais il faudrait bien plus que les deux mains. A chaque fois différent, ce sommet me surprend.
Nous voyons ici la sortie de Spitzköpfe que nous avons parcourus 5 mois auparavant.
Ici, l'équipe s'est divisée en deux. Rêveur 4000 H, JB et moi-même continuons toute crête tandis que les deux autres poursuivent par la route de crêtes totalement enneigée à cette période de l'année.
Le Rainkopf est en vue.
La pente se fait raide et les ski de randonnée nordique trouvent ici leur limite.
Au sommet, nous croisons un groupe de skieurs qui vont s'élancer dans les pentes nord du Rainkopf avec leur guide. Nous ne sommes pas équipés pour les descentes, les chutes en témoignent.
La vue se dégage et nous pouvons voir le Rotenbachkopf sur lequel nous allons passer. Personnellement je préfère cette crête en hiver.
La pente descendue sans trop de peine (et de chute) nous attaquons directement la remontée, d'abord en pente douce puis nettement plus raide. Nous serons seuls cette fois sur le sommet.
Du Rothenbachkopf, la vue porte sur la Batteriekopf, la pente semble plus saine mais il n'en sera rien. Le sol est complètement verglacé et nous ferons un nombre élevé de chutes car nos skis ne savent pas casser la glace, leurs cares sont trop faibles.
Voilà le regroupement pour la pause de midi. Elle est bien méritée car nous avançons fort bien. Il faut dire que le groupe est composé de très bons sportifs et pratiquants de la montagne. Il nous reste la moitié du chemin à parcourir alors nous sommes très relax.
Tandis que Rêveur 4000 H et moi-même continuons toute crête le reste du groupe opte pour la route. Il faut dire que la fatigue est bien là et que l'énergie dépensée est considérable. Nous tenons bon et le moral est bon pour la crête.
De nouveau, la crête est merveilleuse. Finalement je suis heureux de la parcourir avec rêveur 4000 H. Il sait que ce genre de moment est privilégié. Nous sommes contents d'être là, tout simplement parce que plus rien ne dépasse, plus rien n'a réellement d'importance. Nous sommes contents de ce partage.
Nous approchons du Markstein et de la civilisation, le domaine de Hommes n'est jamais loin mais nous aurons eu ce moment de plénitude et de solitude dans ce décor. Nous avons la chance de faire notre propre trace.
Le refuge du Markstein est atteint. Nous arriverons finalement peu après les autres, qui ont fait un détour et ont du payer la piste de ski. L'accueil est génial, on nous offre même une bière. Les Vosges sont vraiment une terre, une montagne de partage. Bien des massifs devraient en faire de même.
17 février : la fatigue est là
C'est à trois que nous irons vers le Grand Ballon, dont nous ne trouverons malheureusement pas le sommet à cause du brouillard alors que nous en étions probablement éloignés de moins de 200 m. Les Vosges ne sont certainement pas à sous-estimer, sans indications et sans visibilités nous sommes restés prudents et sommes redescendus sur la ferme auberge du Haag prendre une collation.
La descente de 10 kilomètres fut épique, les organismes fatigués avaient bien du mal à freiner avec ce genre de ski sur les pentes du Grand Ballon. Nous avons skié au plus bas et nous avons marché les derniers kilomètres qui nous séparaient du véhicule laissé sur place trois jours avant.
Ce fut encore une fois une superbe aventure, une idée saugrenue réalisée. La montagne est tout simplement sincère, les personnalités sont brutes et les idées sont claires. Comme si ce milieu austère nous rendait humain.